Décodage d’une BD ou Le sparadrap du capitaine Haddock
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La découverte de Jancovici
J’ai découvert Jean-Marc Jancovici en 2013. Professeur à l’Université Libre de Bruxelles, j’avais décidé en 2008 de réorienter mon cours d’Economie politique et ensuite mon séminaire de Science & Technologies vers les problématiques climatique et énergétique qui seraient au coeur du XXIème siècle dans lequel s’engageaient mes étudiants de l’Ecole Polytechnique et de la Solvay Brussels School of economics and management.
Janco, avec ses talents pédagogiques, allait m’aider à les initier aux mécanismes complexes du climat et de l’énergie. Sa critique judicieuse des bienfaits de la croissance économique quantitative et du libéralisme à tout crin me paraissait aussi bien utile aux futurs ingénieurs, entrepreneurs et cadres supérieurs. Janco devînt donc un familier de mes cours et séminaires au travers de ses livres, écrits et vidéos.
Mon esprit critique se met à douter
Mon esprit critique commença à s’aiguiser à la lecture de « Dormez tranquilles jusqu’en 2100 et autres malentendus sur le climat et l’énergie » (2015, éditions Odile Jacob). Nombre de chiffres et faits cités par Janco ne correspondaient pas à ce qu’on pouvait vérifier dans les statistiques et publications fiables. Il s’écartait des vérités incontestables pour laisser cours à quelques obsessions convergentes :
- le lien mécanique entre produit, bien-être humain, machinisme et énergie (par essence fossile) ;
- l’obsession nucléaire et, en conséquence, la supériorité du modèle énergétique français sur le reste du monde ;
- et l’obsession anti-renouvelables et en particulier anti-éoliennes.
« Le Monde sans fin » – le coup de grâce
« Le Monde sans fin » de Jancovici et Christophe Blain, paru en octobre 2021 et gigantesque succès de librairie (816.829 exemplaires vendus fin janvier 2024), fût le coup de grâce (passionné de Blain et surtout de « Quai d’Orsay » et de « Gus », je ne l’aurais manquée à aucun prix). Bien sûr plein de choses exactes sur le climat, l’énergie et la société dans cette BD. Mais un peu trop de contre-vérités et de silences utiles qui méritaient d’être décodés. Mon premier décodage en juillet 2022 fût suivi d’une publication comme Working Paper du centre ECARES de l’Université Libre de Bruxelles. Le travail effectué porte sur les vignettes clés en matière de lien entre énergie et activité économique et en matière de production d’énergies nucléaire et renouvelables. Le décodage est chiffré, détaillé, vérifié et donc parfois ardu. Le lecteur m’en excusera. Le lecteur sera aussi juge des résultats.
Reconnaître ses erreurs – Le sparadrap du capitaine Haddock
Jancovici est bien sûr suffisamment informé et intelligent pour reconnaître ses erreurs. C’est ainsi que le 1er décembre 2023, en pleine COP28, interrogé sur France-Inter, Janco déclare que « le nucléaire cela fera 5% de la solution ». Il remettra cela dans L’OBS du 18 janvier 2024 en déclarant « A mon corps défendant, les journalistes ont fait de moi le « pro-nuke » de service. C’est mon sparadrap du capitaine Haddock à moi. ». Dans « Le Monde sans fin » il y avait effectivement plein d’armoires pleines de sparadraps.
© Michel Allé
Juillet 2022 – Mai 2023