Comment calculer l’énergie primaire substituée par les énergies décarbonées ?
Renouvelables et électricité
Pour l’essentiel l’énergie produite par les renouvelables (hydro-électricité, éolien, photovoltaïque) l’est sous forme d’électricité directement injectable dans les réseaux.
La majeure partie de l’électricité reste cependant produite en 2023 dans des centrales thermiques alimentées par des combustibles fossiles (charbon, gaz naturel, accessoirement pétrole) ou des centrales nucléaires aux rendements faibles par rapport à l’énergie primaire utilisée qui est transformée d’abord en chaleur puis en force mécanique et enfin convertie en électricité. Le rendement des centrales alimentées aux fossiles a certes progressé dans le temps : de 36% en moyenne dans les années 1980 à 2000, il a atteint 40% en 2017 sous l’effet des améliorations technologiques et continue de progresser lentement. Une part importante de l’énergie primaire consommée dans ces centrales se retrouve donc dissipée sous forme de chaleur dans l’atmosphère. L’énergie primaire correspondant à cette électricité est logiquement comptabilisée sur base des combustibles utilisés dans ces centrales.
Quelle est alors l’équivalent en énergie primaire de la production ne recourant pas à des fossiles, que ce soit le nucléaire ou les renouvelables ?
L’Energie primaire substituée par les centrales nucléaires
Pour le nucléaire la question a été aisément tranchée : s’agissant aussi de centrales thermiques les statisticiens les traitent comme les centrales thermiques fossiles : la quantité d’énergie primaire substituée est calculée en divisant l’électricité brute produite par le rendement attribué à la centrale.
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) utilise à cette fin un rendement constant de 33%. L’Energy Institute Statistical Review of World Energy utilise le rendement moyen des centrales thermiques de l’année (40,7% en 2022)[1]. Cette différence de rendement a pour effet que l’estimation de l’énergie primaire d’origine nucléaire de l’AIE est supérieure à celle de l’Energy Institute Statistical Review.
C’est ainsi que pour 2022 l’AIE estime la consommation d’énergie primaire nucléaire à 29 EJ[2] tandis que l’Energy Institute Statistical Review l’estime à 24,13 EJ, les deux organismes rapportant une production d’électricité nucléaire au même niveau (2.682 et 2.679 TWh respectivement).
L’Energie primaire substituée par les renouvelables
Pour les renouvelables les statisticiens divergent.
L’AIE considère que l’énergie primaire produite par l’hydro-électricité et les nouveaux renouvelables est égale à l’électricité produite[3].
L’Energy Institute Statistical Review utilise la même méthodologie que pour les centrales nucléaires : la quantité d’énergie primaire substituée est calculée en divisant l’électricité brute produite par le rendement moyen des centrales thermiques de l’année[4].
Cette différence d’approche conduit à des écarts significatifs entre les statistiques de l’AIE et celles de l’Energy Institute Statistical Review. C’est ainsi qu’en 2022 la production d’hydro-électricité est estimée à 4.334 TWh par l’Energy Institute et à 4.378 TWh par l’AIE. Mais si l’Energy Institute estime l’énergie primaire correspondante à 40,68 EJ, l’AIE fixe le chiffre à 16 EJ. Un écart similaire se retrouve pour la production d’électricité de l’éolien et du solaire : pour une production d’électricité quasi-identique (3.428 et 3.416 TWh respectivement), l’Energy Institute estime l’énergie primaire correspondante à 32,17 EJ et l’AIE à 15 EJ !
Plus d’énergie primaire pour moins d’électricité ?
Nous avons fait le choix dans cet ouvrage d’utiliser le mode de calcul de l’Energy Institute Statistical Review of World Energy et non celui de l’AIE.
En effet comment expliquer que l’hydro-électricité ou les nouveaux renouvelables, qui produisent chacun plus d’électricité que le nucléaire, substitueraient moins d’énergie primaire que le nucléaire ?
L’approche de l’AIE a pour conséquence de sous-estimer la contribution de l’hydro-électricité et des nouveaux renouvelables au système énergétique. C’est la raison pour laquelle nous n’utilisons pas les données de l’AI E mais bien celles de l’Energy Institute Statistical Review of World Energy.
[1] IEA, World Energy Outlook 2023, p. 264
[2] Energy Institute Statistical Review of World Energy 2023, 72nd edition, p.56
[3] Energy Insitute Statistical Review of World Energy 2023, 72nd edition, p.56
[4] IEA, World Energy Outlook 2023, p. 264
© Michel Allé
Décembre 2023