Allemagne

Synthèse énergétique et impact sur le climat

L’actualisation de la synthèse sur l’énergie et le climat de l’Allemagne, avec les données de 2023 et 2024, met en évidence le changement profond du système énergétique très semblable d’ailleurs à ce qui se passe globalement en Europe. L’énergie nucléaire a en effet quitté le paysage énergétique allemand en 2024 et la part du charbon est en recul rapide dans les mix électrique et énergétique. Dans le même temps les nouveaux renouvelables (éolien et solaire) ont dépassé le cap de la moitié de la production d’électricité. 

Nous utilisons toujours 15 graphiques commentés pour comprendre le système énergétique et son évolution et son impact sur le climat et positionner le pays par rapport au Monde et à l’Europe (UE+UK).

Avec l’identité de Kaya pour guide.

Cela fait beaucoup de graphiques. Il ne faut pas hésiter à sélectionner les plus pertinents pour votre bonne compréhension selon l’attention portée à l’énergie en général, à l’électricité ou au CO2. N’hésitez pas à décharger la version PDF pour avoir une vision globale et ensuite choisir les graphiques qui vous seront les plus utiles.

ÉCONOMIE

PIB par habitant

Constats-clés :

  • le PIB par habitant a été multiplié par 2,4 en 50 ans mais depuis 2019 il stagne
  • ce PIB par habitant est et reste 4 fois plus élevé que la moyenne mondiale
  • l’écart par rapport à l’UE+UK se réduit progressivement (+25% en 2024 contre +32% en 1970)
  • le PIB français par habitant était égal au niveau allemand à la fin des années 1970. Il est aujourd’hui inférieur de 12%
  • la démographie allemande a été peu dynamique : la population allemande a augmenté de 7% de 1970 à 2024 contre 18% pour l’UE+UK et 32% pour la France !

ÉNERGIE

Consommation d’énergie primaire

Constats-clés

  • la consommation totale d’énergie primaire allemande a baissé régulièrement à partir de 2007 et la baisse s’est accélérée à partir de 2015 (en 2024 -24% depuis 1990 année de référence du Protocole de Kyoto)
  • la consommation d’énergie fossile a baissé depuis 1990 (en 2024 -35% depuis 1990)
  • passé le choc de 2020 et la remontée de 2021 ces baisses se sont poursuivies depuis 2022  

Intensité énergétique du PIB

Constats-clés

  • avec 67 tep (tonnes-équivalent-pétrole) par million de US$2020 l’intensité énergétique du PIB allemand est en 2024 moins de la moitié (47%) de l’intensité mondiale. Comme toute l’Europe, l’économie allemande est très efficace énergétiquement.
  • cette intensité est inférieure de 7% à celle de l’UE+UK
  • de 1990 à 2024 elle a diminué plus de 1,5 fois plus vite qu’au niveau mondial
  • en 2024  elle est du même ordre de grandeur que celle de la France et inférieure de 12% à celle des Pays-Bas et de 28% à celle de la Belgique
  • la transition énergétique (« Energiewende ») a fait de l’efficacité énergétique un axe majeur
  • l’effort est partiellement couronné de succès : la baisse de l’intensité reste supérieure au rythme mondial mais ne s’est pas accélérée par rapport à la décennie précédente
  • le transport est le secteur où le moins de progrès est enregistré.

Mix énergétique

Constats-clés

  • l’évolution récente est spectaculaire
  • la part des énergies fossiles est descendue de 85% à 82% de 2001 à 2011. Elle est descendue à 75% en 2024 malgré la sortie du nucléaire
  • la progression des énergies décarbonées est exclusivement le fait des nouveaux renouvelables (23% du total en 2024 contre à peine 1% en 2001 et 9% en 2011)
  • l’objectif actuel reste d’atteindre une part de 40% de renouvelables en 2030 en s’appuyant fortement sur la transition dans la production d’électricité. Cet objectif implique surtout d’accélérer l’électrification (transport, résidentiel, industrie) ce qui est insuffisamment observé jusqu’à présent. 

Mix énergétique comparé

Positionnons le mix énergétique de l’Allemagne par rapport au Monde et à l’Europe (UE+UK).

Constats-clés

  • une proportion élevée de nouveaux renouvelables mais une très faible part (historique et d’origine géographique) d’hydro-électricité
  • moins de charbon que dans le Monde mais plus qu’en Europe
  • un peu plus de pétrole que dans le Monde et un peu moins qu’en Europe
  • une proportion de gaz semblable aux niveaux mondial et européen
  • la disparition du nucléaire en 2024


Consommation d’énergie finale par secteur

Données pour 2022 (dernière année publiée par l’AIE)

Constats-clés

  • la consommation finale totale en 2022 est de 2,5 tonne-équivalent-pétrole (tep) par habitant contre 2,0 en Europe, 2,1 en France et 1,26 dans le Monde
  • l’Allemagne se situe au-dessus de la moyenne Europe et de la France dans tous les secteurs sauf le transport où elle dépassée par la France
  • c’est particulièrement le cas dans l’industrie ce qui reflète son poids dans l’économie du pays
  • l’écart avec l’Europe dans l’industrie s’est créé depuis 2000 (désindustrialisation dans de nombreux autres pays)
  • par contre l’écart se réduit dans les transports et le résidentiel. Dans le résidentiel l’impact de l’Energiewende est tangible mais encore insuffisant pour rejoindre la moyenne européenne.


Consommation d’énergie primaire par habitant

Constats-clés

  • stabilité dans le long terme (1990-2015) autour de 4 tep par habitant par an avec une baisse entamée en 2019 ramenant le niveau à 3,3 tep par habitant en 2024
  • cela reste près de 70% plus élevé que la moyenne mondiale mais pour un PIB par habitant égal à 4 fois la moyenne mondiale !
  • en 2024 niveau un peu plus élevé que la moyenne UE+UK (+10%) et que la France (+4%)
  • l’essentiel de cet écart s’explique par le poids de l’industrie (lourde) dans la structure économique allemande et, dans une moindre mesure, par la consommation élevée du secteur résidentiel

ÉLECTRICITÉ

Taux d’électrification

Données de 1971 à 2022 (dernière année publiée par l’AIE)

Constats-clés

  • le taux d’électrification de l’énergie finale n’a plus progressé en Allemagne depuis 2008
  • il se situe en 2020 en dessous de la moyenne mondiale et de la moyenne UE+UK
  • il se situe en 2020 près de 6% en dessous du taux français
  • ce faible taux et surtout sa stagnation constituent un handicap majeur dans l’accélération de la transition énergétique

Mix électrique

Constats-clés

  • l’évolution du mix électrique est spectaculaire (les objectifs de l’Energiewende en la matière sont atteints)
  • elle est marquée par la sortie du nucléaire (29% en 2001, 17% en 2011, sortie en 2024) 
  • ET, simultanément, le recul du charbon (50% en 2001, 21,4% en 2024)
  • cette évolution a été rendue possible par la percée des nouveaux renouvelables qui sont passés en 23 ans de 2,7% (16 TWh) à 53% (252 TWh). L’éolien terrestre (23% en 2024) et le solaire PV (15%) en sont les moteurs principaux et ensuite la biomasse (8%) et l’éolien en mer (5%)
  • l’objectif est d’atteindre en 2030 80% d’électricité renouvelable, hydro-électricité comprise, et d’éliminer le charbon (8 ans plus tôt qu’initialement prévu)
  • cet objectif est très ambitieux : il implique de porter en 2030 la capacité photovoltaïque à 200 GW (soit un doublement par rapport à mi-2025) et la capacité éolienne en mer à 30 GW (9,2 GW mi-2025).

Mix électrique comparé

Constats-clés

  • une proportion élevée de nouveaux renouvelables par rapport à l’Europe et au Monde
  • la part du charbon est descendue en dessous de la moyenne mondiale mais reste supérieure à la moyenne européenne
  • les sources décarbonées représentent 57% du total, plus que la moyenne mondiale (40,5%) mais moins que la moyenne en Europe (70%).

CLIMAT

Intensité en CO2 de l’électricité

Constats-clés

  • l’amélioration est sensible depuis 2015
  • les conséquences de la guerre en Ukraine (moins de gaz et plus de charbon ) se font sentir en 2022 : les émissions par kWh sont supérieures de près de 8% à 2019 (420 gCO2/kWh en 2022 contre 396 gCO2/kWh en 2019)
  • mais le progrès des nouveaux renouvelables et une demande durablement faible font recouler le charbon en 2023 et 2024 et réduire à nouveau l’intensité en CO2 de l’électricité
  • les conséquences de la décision de 2011 de sortie du nucléaire sont à retrouver dans l’article « Si l’Allemagne avait prolongé son nucléaire »

Intensité en CO2 de l’énergie

Constats clés

  • Jusqu’en 2000 l’intensité carbone de l’énergie primaire allemande était supérieure à la moyenne mondiale
  • les causes en étaient une proportion élevée de charbon, de lignite et de pétrole, la très faible présence de l’hydro-électricité et une part relativement faible du nucléaire dans la production d’électricité
  • dès 2000 cependant l’intensité carbone de l’énergie est passée sous la moyenne mondiale tout en restant supérieure à celle de l’Europe  (+14% en 2022)
  • le progrès a été considérable depuis 2012 grâce au recul du charbon et à l’émergence des nouveaux renouvelables : dans la période 2011-2024 l’intensité en CO2 de l’énergie a diminué de 1,2%/an contre 0,3%/an de 2001 à 2011
  • 2022 a été marqué par une remontée de l’intensité carbone : la guerre en Ukraine a conduit au recul du gaz russe dans l’industrie et la production d’électricité où le charbon a retrouvé le niveau de 2019. Quant à l’accroissement de la production des nouveaux renouvelables (+23 TWh) elle n’a pas compensé le recul du nucléaire (- 34 TWh)
  • La baisse a toutefois repris dès 2023 

Intensité en CO2 du PIB

Constats-clés

  • l’intensité en CO2 du PIB allemand se situe depuis la réunification au niveau de l’UE+UK
  • depuis 1980 une amélioration continue de 2,6% à 3,0% par an est observée
  • divisée par 4 en 50 ans et par 2 en 25 ans elle est en 2024 inférieure de 63% à la moyenne mondiale, 4,5 fois moins élevée que celle de la Chine et inférieure de 28% à celle des USA
  • elle reste cependant supérieure de 58% à celle de la France 
  • mais elle fait quasi jeu égal avec la Belgique
  • intéressant à remarquer : l’intensité en CO2 du PIB est en Chine, en 2024, au niveau qui était celui de l’Allemagne en 1970 !

Emissions de CO2 par habitant

Constats-clés

  • l’Allemagne est un gros émetteur historique de CO2 par habitant malgré une baisse de 20% depuis 2011.
  • l’indicateur s’établit à un niveau supérieur de 31% à la moyenne de l’UE+UK
  • ceci s’explique par le niveau élevé du PIB par habitant et un mix énergétique qui reste fortement carboné bien que la performance en terme d’intensité énergétique du PIB se situe dans la moyenne de l’UE+UK
  • les émissions par habitant sont en 2022 supérieures 3,5 TCO2 (+79%) par habitant à celles de la France qui a décarboné fortement son énergie dans les années 1980 grâce à son programme nucléaire. Si le mix électrique allemand était semblable au mix français l’impact serait de l’ordre de 2,3 TCO2/habitant par an
  • le poids fort de l’industrie en Allemagne et faible en France (37% de l’industrie allemande en 2022) représente l’essentiel du solde. Il est de l’ordre de 1,3 TCO2/habitant par an.

Emissions, Consommation et importations de CO2

Les données de consommation et d’importation sont estimées pour 2024

Constats-clés

  • les émissions de CO2 d’origine énergétique ont baissé dans l’absolu de 1990 (1.055 MTCO2) à 2024 (589 MTCO2) soit -44%
  • les importations nettes (dans les biens importés et exportés) sont stables de 1990 à 2024 après avoir connu une hausse dans la période de 2000 à 2010 (mondialisation)
  • la consommation a baissé dans l’absolu de 470 MTCO2 de 1990 à 2024 (-40%)
  • dans le cadre du Protocole de Kyoto l’Allemagne s’était engagée à baisser en 2008-2012 ses émissions de GES d’origine énergétique de 21% par rapport à 1990. Si l’on intègre tous les GES l’objectif a été pratiquement atteint (-20,3% en moyenne de 2008 à 2012)


Emissions de CO2 par habitant

Uniquement le COd’origine énergétique (les autres gaz à effet de serre et le CO2 non énergétique ne sont pas repris)

Constats-clés

  • l’Allemagne est un gros émetteur historique de CO2 par habitant malgré une baisse de 30% de 2011 à 2024
  • l’indicateur s’établit en 2024 à un niveau supérieur de 32% à la moyenne de l’UE+UK 
  • ceci s’explique par le niveau élevé du PIB par habitant et un mix énergétique qui reste fortement carboné bien que la performance en terme d’intensité énergétique du PIB se situe dans la moyenne de l’UE+UK
  • les émissions par habitant sont en 2024 supérieures de 3,1 TCO2 (+80%) à celles de la France qui a décarboné fortement son énergie dans les années 1980 grâce à son programme nucléaire. Si le mix électrique allemand était semblable au mix français l’amélioration serait de l’ordre de 2,3 TCO2 par habitant par an
  • le poids fort de l’industrie en Allemagne et faible en France (la taille de l’industrie française en 2024 est de 39% de l’industrie allemande) représente plus que le solde de l’écart. Il est de l’ordre de 1,3 TCO2 par habitant par an.

Que retenir ?

  1. le système énergétique de l’Allemagne est historiquement fortement carboné (poids de l’industrie lourde s’appuyant sur le charbon et la lignite)
  2. le niveau élevé du PIB par habitant et le poids de l’industrie ont un fort impact sur la consommation d’énergie et les émissions de CO2
  3. la transition énergétique (Energiewende) a permis de poursuivre l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement rapide des nouveaux renouvelables dans la production d’électricité
  4. la sortie du nucléaire a été de pair avec une réduction de la production d’électricité à partir de charbon, sa part dans le mix électrique a éyé divisée par 2 de 2011 à 2024
  5. les faibles progrès dans le secteur des transports et la sortie accélérée du nucléaire ont ralenti la décarbonation
  6. l’Allemagne a largement respecté les engagements (forts) pris dans le cadre du  Protocole de Kyoto
  7. les objectifs de transition pour 2030 sont fort ambitieux en particulier pour le secteur électrique (sortie du charbon et 80% de renouvelables). 

© Michel Allé
Mise à jour Octobre 2025 (texte initial décembre 2023)