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Beautiful Clean Coal Industry

Le spectacle médiatique mondial offert par Donald Trump et ses équipes entre le « Liberation Day » tarifaire du 2 avril et la retraite du 9 avril devant la débâcle du marché obligataire US et de celui des actions aura caché un acte fondamental de la présidence américaine posé le 8 avril : 

Le « good TV show » offert le 8 avril est passionnant non seulement par sa mise en scène et ses acteurs mais surtout par ses objectifs et le tissu de « vérités alternatives », ou plus réellement de « fake facts », sur lequel s’appuie le grand retour annoncé du charbon américain.

La scène est essentiellement masculine : devant le président une centaine d’invités : conseillers, businessmen des énergies fossiles, lobbyistes, parlementaires républicains des états charbonniers, etc.. Derrière le président : 27 mineurs casqués (1 femme).  

L’objectif est, comme lors du premier mandat (2017-2020), d’assurer la « dominance énergétique américaine » au travers du développement de la production et de la consommation des seules énergies fossiles, pétrole, gaz naturel, gaz de schiste mais aussi charbon et schistes bitumineux. Et la promesse faite de rouvrir mines et centrales électriques au charbon fermées et d’en ouvrir de nouvelles.

De manière très ironique le « Beautiful Clean Coal Industry » show a eu lieu le jour même où le réputé Institut Ember publiait les statistiques mondiales de l’électricité pour 2024 mettant en évidence l’importance croissante des productions décarbonées (40,9% du total) avec une forte progression de l’éolien (+8,0%) mais surtout du solaire (+29,0%) qui ont représenté ensemble 15% de la production mondiale. Ironique et paradoxal dès lors que dans la Section 8 de son Executive Order « Declaring a National Energy Emergency » signée le jour de son inauguration, le 20 janvier, Donald Trump a exclu l’éolien et le solaire de la définition des ressources énergétiques.

Au-delà du « good TV show » le décryptage factuel du discours du 47ème président des USA, des décrets présidentiels et de la « fact sheet » est indispensable même si l’idée même du charbon propre sidère. Tout comme l’analyse de la renaissance du charbon annoncée en 2017 par Trump (45ème président), il y a 8 ans déjà, avait sidéré.

Livrons-nous à cet exercice, sur base de faits et de chiffres puisés dans les sources fiables : statistiques américaines et mondiales (Ember, Monthly Energy Review de l’US Energy Information Administration, Agence Internationale de l’Energie, Energy Institute Statistical Review of World Energy, Global Energy Monitor).


« Beautiful Clean Coal Industry » : Décryptage

Le charbon : beau et propre

« I tell my people never use the word coal unless you put beautiful clean before it. » (Donald J. Trump, White House, April 8, 2025)

« Je dis à mes collaborateurs de ne jamais utiliser le mot charbon sans ajouter beau et propre. »

Le consensus sur la définition d’une énergie propre est large : il s’agit d’une énergie dont la production et l’usage génèrent peu ou pas de déchets et de polluants. Leur exploitation n’implique pas d’émissions de CO₂ et ne participe pas à la destruction de la couche d’ozone. Il s’agit donc d’une énergie décarbonée.

L’Agence Internationale de l’Energie précise que par « énergie propre » on entend un terme générique qui regroupe les sources d’énergie, les infrastructures, les applications et les actifs connexes compatibles avec un système énergétique à émissions nettes nulles. Les énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse, etc.) et le nucléaire font partie de la définition. Les énergies fossiles n’en font pas partie. Les énergies fossiles avec capture de carbone pourraient en faire partie pour autant que la capture soit totale ou presque mais ces technologies ne sont aujourd’hui absolument pas matures. 

On comprend donc aisément l’imposture que représente le terme « Beautiful Clean Coal Industry » ou encore l’affirmation que « la production d’électricité à partir du charbon est plus propre que jamais. ».

Le graphique des émissions de CO2 par kWh d’électricité sur l’ensemble du cycle de vie (production de l’équipement, extraction, production d’électricité) des différentes sources d’énergie illustre, si nécessaire, encore mieux cette imposture.

L’impact sur la santé de l’usage du charbon est considérable au travers des maladies respiratoires et cardio-vasculaires induites. Les estimations les plus fiables sont que pour 2021, au plan mondial, 980.000 décès prématurés sont imputables à la combustion du charbon[1].

Deux autres graphiques complètent notre compréhension. Le premier compare la répartition de la consommation d’énergie primaire aux USA à celle des émissions de gaz à effet de serre d’origine énergétique.

Le charbon (8,7% de la consommation aux USA en 2023) a induit en 2023 17,0% des émissions de GES du pays.

Le second compare la répartition de la production d’électricité et celle des émissions de CO2 dues à la production d’électricité. Le calcul est ici fait en terme de cycle de vie complet (production de l’équipement et production de l’électricité)

Le charbon a contribué en 2024 à 14,9% de la production d’électricité américaine et a induit 37,1% des émissions de CO2 dues à cette production. On notera au passage que les seuls nouveaux renouvelables ont produit plus d’électricité que le charbon (18,7% dont 10,3% pour l’éolien et 6,9% pour le solaire). Tout comme le nucléaire (17,8%) a produit plus d’électricité que le charbon.

Laissons donc aux fantasmes MAGA la « Beautiful Clean Coal Industry ».


La géopolitique du charbon selon Donald Trump 

« Coal is one of the great, great forms of energy. That’s why other countries, leading countries, are using it some exclusively. ». (Donald J. Trump, White House, April 8, 2025)

« And other countries likewise went very strongly back into coal. Some of them never got off. ». (Donald J. Trump, White House, April 8, 2025)

Trois affirmations doivent ici être vérifiées :

  • certains pays leaders utilisent exclusivement du charbon comme source d’énergie primaire
  • certains pays n’ont jamais abandonné le charbon
  • certains pays sont retournés fortement vers le charbon.

Le graphique de la part du charbon dans l’énergie primaire des principaux pays donne les réponses.

Toutes les affirmations de la Maison Blanche sont démenties :

  • 3 pays basent leur approvisionnement majoritairement, mais pas exclusivement, sur le charbon : l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine. La Chine a réduit significativement la part du charbon de 2013 (68%) à 2023 (54%) ;
  • seuls deux pays ont accru leur dépendance au charbon : l’Indonésie et le Vietnam ;
  • aucun pays n’ayant réduit sa dépendance au charbon n’y est revenu ; 
  • la réduction de la dépendance au charbon est particulièrement sensible dans l’Union Européenne, au Royaume-Uni, berceau historique du charbon et qui l’a pratiquement éliminé, et . . . aux USA ;
  • au niveau mondial le recul du poids du charbon est lent mais bien réel.


La Chine et le charbon selon Trump

« China is opening two plants every week. » (Donald J. Trump, White House, April 8, 2025)

La Chine dépend énormément du charbon, notamment pour la production d’électricité. La consultation, sur mon site, de l’article « Chine et charbon » est éclairante. Cependant, au-delà de cette dépendance, il est essentiel de comprendre la dynamique du système énergétique chinois pour anticiper ce que seront ses évolutions futures.

Il est exact que des capacités électriques additionnelles au charbon, décidées au niveau local ou provincial, sont ajoutées chaque année. Sur les dix dernières années (2015-2024), 417 GWe ont été mis en service portant la capacité installée de 818 GWE fin 2014 à 1.175 GWe fin 2024 (+44%). Toutefois ce développement est chaotique pour l‘économie planifiée qu’est la Chine : de très nombreux projets sont annoncés ou décidés et ensuite annulés ou suspendus. C’est ainsi que fin 2024 des projets décidés pour un total de 594 GWe ont été annulés et, en outre, des projets pour un total de 81 GWe sont suspendus. L’utilisation des centrales au charbon, mesurée par le facteur de charge, a diminué à un niveau faible pour des centrales supposées assurer une production de base : moins de 60% depuis 2014 contre 75% dans la période 2003-2007 : le développement chaotique des centrales au charbon conduit à un excès de capacités et à une sous-utilisation de celles-ci.

Le graphique ci-après illustre la croissance du parc électrique au charbon chinois et l’évolution du facteur de charge.

Le graphique de l’évolution de la production d’électricité en Chine, par source de production, illustre une dynamique que Trump et ses collaborateurs se sont gardés de voir : si le charbon reste important dans la croissance de la production chinoise le poids des nouveaux renouvelables ne cesse d’augmenter.

Quelques chiffres résument l’évolution

  • de 2019 à 2024 les nouveaux renouvelables ont représenté 49,8% de l’augmentation contre 37,7% pour le charbon. Au total les sources décarbonées ont pesé 57,7% de l’augmentation ;
  • l’augmentation de la production éolienne sur 5 ans représente l’équivalent de 84 réacteurs nucléaires, celle de l’augmentation de la production solaire photovoltaïque 87 réacteurs ;
  • l’augmentation de la production nucléaire correspond à 14 réacteurs ;
  • dix ans auparavant (de 2009 à 2014) le charbon pesait 62,1% de l’augmentation de production, les nouveaux renouvelables 8,7% et l’ensemble des sources décarbonées 33,1%.

Donald Trump, parlant vrai, aurait dit : « China is stilll opening many coal plants. But at the same time they develop hugely wind and solar energy and significantly nuclear plants. ».


L’Allemagne et le charbon selon Trump

« Germany went to wind. The wind wasn’t blowing too much. Now they’re back to coal. They’re opening up coal plants all over Germany. » (Donald J. Trump, White House, April 8, 2025).

A nouveau vérifions ces assertions . . . que Trump n’est pas le seul à exprimer.

Pour ce faire quoi de mieux que de mettre en graphique les nouvelles capacités de production et la capacité totale des centrales électriques au charbon en Allemagne depuis 2000. 

Quelques constats s’imposent qui démentent les « vérités alternatives » du 47ème président des USA :

  • les capacités des centrales au charbon en Allemagne sont en baisse constante depuis 2016 ;
  • des capacités nouvelles furent mises en service de 2012 à 2015 suite à la sortie du nucléaire (au total 9,6 GWe) ;
  • la dernière mise en service a eu lieu en 2020.

En outre, en 2025 aucune centrale nouvelle au charbon n’est en construction ou en projet.

Mais progressons encore vers la réalité en examinant la répartition de la production électrique (le mix électrique) en 2024. 

Le mix électrique allemand est, en 2024, profondément transformé :

  • les renouvelables décarbonés représentent près de 58% de la production ;
  • l’éolien, qui a dépassé le charbon en 2023, représente en 2024 28% du total ;
  • le charbon (lignite comprise) ne pèse plus que 22% de la production contre 44% dix ans plus tôt.

En conclusion Donald Trump, s’il avait voulu parler vrai, aurait dû dire : « Germany went to wind. The wind was really blowing enough. Now they are relying more on wind than coal. They didn’t open any coal plants since 2020. ». On peut rêver quelques instants.


Les promesses de 2017. Et la réalité.

La promesse : Putting Coal Country Back to Work (Donald J. Trump, February 16, 2017)

Le show du 8 avril 2025 ressemble étrangement au show du 16 février 2017. 

Même lieu : la Maison Blanche

Même auditoire : businessmen des industries pétrolière, gazière et charbonnière (qui ont largement contribué à sa campagne et à sa cérémonie d’inauguration), lobbyistes, parlementaires républicains des états charbonniers, et des mineurs casqués ;

Même constat : les réglementations imposées par les démocrates (ici Obama) détruisent une industrie qui fait la fierté des USA :

Même discours : en signant la « House Joint Resolution 38 » le 45ème président réalise sa promesse de campagne de relancer l’industrie charbonnière ;

Même photo (ou presque) :

Et les actions annoncées (multiples « Orders », libération des permis d’exploiter et de polluer, subsides, etc.) doivent permettre d’inverser la tendance au déclin du charbon et d’accroître la production et l’emploi minier.


La réalité

La réalité est cependant différente. La consommation de charbon aux USA est très largement déterminée par son usage pour la production d’électricité, les usages industriels étant en réduction continue. La production d’électricité à partir de charbon a continué à augmenter jusqu’en 2005 soutenant l’exploitation minière. Mais la baisse commence dès 2005 et est continue comme le montre le graphique d’évolution de la production Nous avons fait correspondre les évolutions quadriennales aux mandats présidentiels (pour Joe Biden la période est limitée à 3 ans, de 2021 à 2024). 

Même si les réglementations environnementales décidées essentiellement pour protéger la santé des populations et des travailleurs sous les présidents (républicains et démocrates) ont pu jouer un rôle, le large consensus des experts est que le déclin du charbon a essentiellement des causes économiques et opérationnelles :

  • à partir de 2005, le basculement vers des centrales au gaz, plus performantes et moins chères, a commencé. Ce basculement s’est poursuivi sans interruption depuis ;
  • la baisse du coût des nouveaux renouvelables, éolien d’abord à partir de 2010, solaire photovoltaïque sous le premier mandat de Trump et le mandat de Biden, a accéléré le déclin du charbon.

Le déclin du charbon dans la production d’électricité s’est traduit par un déclin du même ordre de la consommation et de la production malgré une légère augmentation des exportations 

L’action de Donald J. Trump, 45ème président des USA, n’a pas ralenti la transition initiée vers le fossile le moins polluant, le gaz, et les nouveaux renouvelables.


Trump 2.0 : Fossoyeur de la transition aux USA ?

Trump 2.0 (« drill, baby, drill » et « beautiful clean coal industry ») atteindra-t’il ses objectifs de mettre fin aux USA, et même ailleurs, au « Green New Deal scam » (la grande arnaque) ?

Dans ce nouveau mandat Donald J. Trump se donne les moyens de ses objectifs :

  • arrêt des autorisations fédérales au développement des renouvelables, en particulier l’éolien offshore, y compris pour des projets déjà engagés ;
  • arrêt des mécanismes de soutien à la transition contenus dans l’Inflation Reduction Act notamment l’élimination du « electric vehicle mandate » et suppression des réglementations favorisant les équipements industriels et domestiques économes en énergie ;
  • suppressions massives des réglementations environnementales faisant obstacle à l’extraction minière ou pétrolière sur terre et en mer (biodiversité, espèces menacées, etc.) ;
  • terminaison du « Green New Deal » ;
  • abrogation des décrets relatifs à la crise climatique (recherche, programmes internationaux, aide au développement) et des décrets soutenant le développement industriel de technologies propres en particulier dans le transport ;
  • très large ouverture à l’octroi de nouveaux permis d’extraction des énergies fossiles (pétrole, gaz, gaz de schiste, charbon)
  • etc.

Le lecteur qui souhaite en avoir une vue exhaustive se penchera avec attention sur les Executive Orders « Unleashing American Energy » et « Declaring a National Energy Emergency » signés le 20 janvier 2025, jour de l’inauguration. 

L’ampleur des mesures mises en place est considérablement plus puissante que lors du mandat de Trump 1.0.  L’inspiration, à contre-courant des tendances longues du système énergétique mondial et des objectifs climatiques et environnementaux largement partagés, est sans ambiguïté : le retour à une Amérique rêvée, celle du jeune Donald Trump, il y a 50 ans, dont l’économie et l’industrie reposent essentiellement sur l’extraction d’énergies fossiles bon marché avec ses grosses bagnoles sentant bon l’essence, ses industries du « rust belt » bien polluantes et la conviction que la croissance longue carbonée est sans limites.

Aux USA les perspectives sont incertaines : l’énergie fossile bon marché freinera le développement des énergies décarbonées. La chasse active aux projets éoliens en freinera le développement. Le cas du photovoltaïque sera le plus intéressant à observer : des droits de douane exorbitants sur les importations d’Asie Sud-Est en renchériront le coût mais le développement de capacités de production aux USA,  stimulées par l’Inflation Reduction Act du président Biden, maintiendra une offre compétitive pour de nouvelles capacités. Ne faisons aucun pari sur le futur : la volonté politique MAGA sera t’elle plus forte que les tendances longues de la technologie et de l’économie ?

Dans le reste du monde il est plus que vraisemblable que les tendances longues à la transformation du système énergétique ne seront pas modifiées : la compétitivité des technologies sobres en énergie et des nouveaux renouvelables, en particulier le photovoltaïque, ne sera que marginalement modifiée par des prix potentiellement base des énergies fossiles. La Chine ne changera pas sa stratégie de dominance technologique et industrielle dans les énergies décarbonées (nouveaux renouvelables et nucléaire) et l’électrification (batteries, véhicules électriques et, sans doute, la filière hydrogène) et se renforcera dans la compétition avec les USA. L’Inde et les autres pays émergents, notamment en Asie, sont inspirés par la stratégie chinoise. Quant à l’Europe, région déjà la plus avancée en matière de décarbonation, sa souveraineté énergétique future dépend de sa capacité à continuer à réduire sa dépendance aux énergies fossiles essentiellement importées : mettre fin ou simplement ralentir sa transition énergétique l’handicaperait durablement.


© Michel Allé
Avril 2025

Trump 2.0.  La fin de la transition énergétique mondiale ?

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche fait craindre à beaucoup (et espérer à certains) une inversion de la tendance mondiale au remplacement progressif des combustibles fossiles au profit des sources d’énergie décarbonées.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025, outre l’injonction à accélérer l’extraction fossile, « drill, baby, drill », Trump a, au travers des Executive Orders « Unleashing America Energy » and « Declaring a National Energy Emergency », aboli des dizaines de réglementations environnementales et mécanismes d’incitation à la transition énergétique. Et l’Executive Order « Unleashing America Energy » a validé une vérité alternative excluant le solaire et l’éolien de la définition des ressources énergétiques nationales.

Il a donc donné l’ordre de rendre plus de terres fédérales disponibles pour l’extraction du pétrole et du gaz, d’annuler le moratoire de Joe Biden sur l’approbation de nouveaux terminaux méthaniers et de suspendre les nouveaux projets éoliens sur les terres et les eaux fédérales. En court-circuitant le Congrès, M. Trump détricotera la loi sur la réduction de l’inflation (IRA), en particulier le soutien aux véhicules électriques et à l’énergie éolienne en mer.

Rien d’étonnant dans le chef du climatonégationniste qu’est Trump (j’écris bien négationniste et non sceptique), « The global warming hoax, it just never ends. ». Rien d’étonnant non plus dans le chef du très proche des intérêts pétroliers et gaziers qu’est Trump. Rien d’étonnant enfin dans l’inventeur du slogan « Make America Great Again » tourné vers le passé merveilleux où les USA pouvaient s’abreuver de fossiles sans limites.

Entre-temps, les faits nous confrontent, y compris les américains, à de dures vérités. La Terre continue de se réchauffer : 2024 a été la première année où les températures moyennes mondiales ont dépassé de plus de 1,5 °C les niveaux préindustriels et janvier 2025 a été le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré. Et si la croissance de la consommation d’énergies fossiles et celle des émissions de gaz à effet de serre a diminué significativement, y compris en Chine, la baisse n’est pas encore observable.

Les craintes de voir Trump stopper la transition énergétique sont compréhensibles. Mais le président républicain n’y parviendra pas, pas plus qu’il ne l’a fait lors de son premier mandat présidentiel. La raison en est simple : les développements technologiques et la baisse des coûts de l’éolien et surtout du solaire photovoltaïque sous l’effet de leur industrialisation massive ont rendu les sources d’énergie renouvelables moins chères que les combustibles fossiles en particulier dans la production d’électricité.

Le développement des nouveaux renouvelables n’en était qu’à ses débuts en 2016 lors de la première élection de Donald Trump. Depuis lors le coût de l’éolien a continué à diminuer (-25% à -30%) et celui du photovoltaïque s’est effondré  (-50%). Et le développement des capacités renouvelables a explosé : la production éolienne mondiale a été multipliée par 2,6 de 2016 à 2024 et la production photovoltaïque par . . . 6, la part des nouveaux renouvelables dans la production d’électricité dans le monde passant de moins de 8% à plus de 18%. La révolution verte s’est accélérée et cette dynamique n’est pas due à l’intervention des pouvoirs publics mais aux marchés. Le fait est que le Texas, État pétrolier républicain et très trumpiste, est le leader américain en matière de nouveaux renouvelables qui y représentent en 2024 30% de l’électricité produite (22% pour l’éolien et 7% pour le solaire) contre 13,5% en 2016. Dans le même temps la part du charbon, que Trump voulait augmenter en 2016, est passée au Texas de 27% à 11% de la production d’électricité.

Il sera donc impossible à la politique de bloquer la transition énergétique. Cela ne signifie pas que la politique ne ralentira pas la transition. Les mesures de l’administration Trump pour stimuler la production nationale de pétrole et de gaz, assouplir les réglementations environnementales et climatiques, soutenir les centrales électriques au gaz et réduire les incitations en faveur des énergies propres et des véhicules électriques auront un impact aux USA (335 millions d’habitants). Mais en auront-elles au-delà de leurs frontières (7,6 milliards d’habitants) et surtout en Chine (1,4 milliards) ?


Les décrets de Washington atteindront rapidement leurs limites. Les États-Unis sont déjà un exportateur net d’énergie depuis 2019. Mais comme les prix sont bas, que la production américaine de pétrole et de gaz atteint déjà des niveaux record et que la consommation de pétrole américaine ne cesse de diminuer depuis 20 ans, la production de combustibles fossiles aura du mal à augmenter à court terme, quoi que fasse Trump. Lors du premier mandat de Donald Trump la production de pétrole avait d’ailleurs baissé de 2% (2017 à 2021) malgré l’arsenal de stimulants déployés. Le déploiement des énergies renouvelables aux USA ne s’arrêtera pas, sous l’effet d’une demande croissante d’électricité et d’une baisse des coûts, en particulier pour l’énergie solaire. Quant aux constructeurs automobiles américains ils seront confrontés à un dilemme majeur : continuer à investir dans leurs projets à long terme de véhicules électriques, même sans incitations et financement des infrastructures de recharge, ou renoncer et laisser le champ libre dans le marché mondial aux constructeurs chinois et européens. 

L’abandon par les États-Unis de toute ambition de leadership sur les questions climatiques aura d’autres conséquences importantes. Certains pays, comme l’Argentine de Javier Milei, suivront sans doute l’exemple américain. Mais la plupart des pays industrialisés resteront globalement engagés dans l’Accord de Paris : pour l’Europe, la transition est le levier principal pour réduire sa dépendance aux importations de fossiles et améliorer sa sécurité énergétique. L’Inde, qui est aujourd’hui le pays où la croissance des émissions de CO2 est la plus rapide au monde, a choisi la transition comme une opportunité économique et une étape nécessaire pour réduire la pollution de l’air. Enfin, dans la plupart des autres marchés émergents le déploiement des énergies renouvelables s’impose pour de simples raisons de coût. 

Mais le plus important se passe en Chine. La Chine domine, début 2025, technologiquement et industriellement la transition dans tous les domaines : solaire photovoltaïque, batteries, véhicules électriques, nucléaire et, même éolien, où l’Europe peut cependant garder des ambitions fortes. Un marché intérieur plus que dynamique soutient des productions de masse qui sont exportables à des prix qui rendent la transition économiquement avantageuse. Nul doute que Xi Jinping se réjouit de l’opportunité que l’administration Trump lui ouvre de gagner encore des parts de marché mondiales, d’accélérer le déploiement des technologies propres et d’engranger de nouvelles baisses de prix. Et donc d’accroître encore son leadership. 

La vision passéiste du « Make America Great Again » aura un effet majeur : « Make China Once More Stronger ». 

Michel Allé
février 202
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